Cette mise à jour présente un portrait actualisé de l’état de santé de la population du Nord-du-Québec. Elle se veut un outil de référence et de consultation afin de mieux comprendre la situation régionale en matière de santé, tout en mettant en lumière les principaux gains et défis propres à la population.
La région sociosanitaire du Nord-du-Québec couvre un très vaste territoire. Souvent appelée la Jamésie, la région comprend quatre villes (Chapais, Chibougamau, Lebel-sur-Quévillon et Matagami) et le Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James incluant, les localités de Radisson, Villebois et Valcanton. La municipalité de Chibougamau est de loin la plus peuplée; à elle seule, elle représente un peu plus de la moitié de la population totale de la région. C’est d’ailleurs à Chibougamau que les services de santé sont les plus diversifiés.
Toutefois, pour obtenir certains services de santé spécialisés, la population est régulièrement contrainte à parcourir plusieurs centaines de kilomètres vers les régions limitrophes – soit l’Abitibi-Témiscamingue ou le Saguenay – Lac-Saint-Jean – et vers de grands centres comme Québec et Montréal.
Les particularités et les disparités régionales entre les municipalités font de la région du Nord-du-Québec un endroit distinct. La région se démarque favorablement par sa résilience, sa cohésion sociale, sa participation citoyenne et son sentiment d’appartenance élevé à sa communauté, mais plutôt défavorablement par l’adoption de certaines habitudes de vie et de comportements.
Démographie
Une décroissance de la population est observée dans la région depuis une trentaine d’années. Selon les données du recensement de 2021, la population de la région du Nord-du-Québec était de 13 500 résidents, comparativement à 20 300 en 1991, ce qui représente une diminution démographique de plus de 30 %. Selon les projections de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), cette décroissance populationnelle devrait se poursuivre au moins jusqu’en 2041.
Une baisse du nombre de naissances est également observée dans la région. Au début des années 2000, le nombre moyen de naissances par année s’élevait à près de 200. En revanche, depuis les 5 dernières années (2018 à 2022), la moyenne de naissance par année se situe plutôt autour de 150 naissances.
Une tendance à la hausse du nombre de décès est constatée dans la région. Au début des années 2000, le nombre moyen de décès par année était d’environ 60 de décès. Alors que depuis les 5 dernières années (2018 à 2022), cette moyenne atteint un peu plus d’une centaine de décès (110) par année.
Vieillissement de la population
Le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus s’accroît à un rythme beaucoup plus soutenu que celui observé dans la province. En 2001, elles représentaient environ 5 % de la population totale de la région (13 % pour l’ensemble du Québec). En 2041, selon les projections de l’ISQ, les personnes de 65 ans et plus représenteront 23 % de la population totale de la région, contre 25 % pour l’ensemble du Québec.
Conditions socioéconomiques
L’économie de la région s’est développée et continue de se développer principalement grâce à l’exploitation des ressources naturelles. Les industries forestières et minières sont au cœur de l’économie de la région. Ainsi, les travailleurs et la population sont exposés aux fluctuations, notamment à la valeur du bois et des minéraux sur les marchés mondiaux.
Les fluctuations de l'activité économique entraînent l’ouverture ou la fermeture d’usines et de mines, ce qui a un impact direct sur la croissance ou la décroissance de la population. De ce fait, lorsque l’on constate une baisse du niveau de l'activité économique dans la région, on observe une diminution de la population de 15 ans et plus et par le fait même, une augmentation du taux de chômage.
Outre le caractère cyclique de l’économie locale, le développement socioéconomique de la région est également fragilisé par d’importants enjeux de main d’œuvre. Parmi ces enjeux récurrents, on note un taux élevé de navetteurs, de postes vacants non comblés et peu de bénéfice salarial comparativement à d’autres régions éloignées.
Le
navettage désigne le fait de s’absenter plusieurs jours consécutifs de son domicile pour travailler, ne revenant à la maison que pour les périodes de repos. Ce terme englobe autant les navetteurs par voiture « drive-in drive-out » que par avion « fly-in fly-out ».
Dans la région, environ un travailleur sur quatre est navetteur. Généralement, se sont de jeunes hommes souhaitant acquérir de l’expérience de travail, mais également des travailleurs expérimentés et établis ne cherchant pas à s’installer avec leur famille dans la région.
Des enjeux liés à la main d’œuvre sont également observés par un taux de roulement élevé chez les travailleurs et du nombre de postes vacants non comblés. Ces difficultés sont accentuées, en autres, par une offre de services limitée pour les citoyens (dentiste, optométrie, CPE, etc.) ainsi que par le manque de disponibilité et de qualité des logements.
Le niveau de scolarité de la population jamésienne s'est amélioré au cours des 25 dernières années. Durant cette période, la population détenant un grade universitaire (au moins un baccalauréat) est passée de 5 % à 12 %. Toutefois, il demeure que la proportion de la population de la région sans diplôme, certificat ou grade est plus élevée que dans l’ensemble du Québec, un écart qui persiste depuis plusieurs années.
État de santé de la population
L'espérance de vie est un indicateur utilisé pour évaluer l'état de santé relatif d'une population. Elle reflète le nombre d'années qu’une personne pourrait vivre, en principe, si les profils actuels de mortalité continuaient de s'appliquer. Sur une période de 20 ans (1997-2001 à 2017-2021), l'espérance de vie à la naissance a augmenté d’environ 4 ans, tant au Nord-du-Québec que dans l’ensemble du Québec. Pour la période de 2017 à 2021, l’espérance de vie dans la région est inférieure à celle du Québec (79,8 ans c. 82,7 ans), une différence défavorable de 3 ans.
L’état de santé autoévalué est le bilan qu’un individu fait de sa santé physique et mentale. Cet indicateur a été mesuré à trois reprises, soit en 2008, 2014-2015 et 2020-2021. Pour chacune des périodes, environ 10 % des personnes âgées de 15 ans et plus dans la région ne se perçoivent pas en bonne santé. La proportion atteint plus de 19 % chez les personnes âgées de 65 ans et plus.
La prévalence élevée de certaines maladies chroniques (cardiopathies ischémiques et maladies respiratoires) représente un défi majeur pour la région. En plus de s’accroître avec le vieillissement de la population, ces maladies affectent fortement la qualité de vie des personnes atteintes et, sans oublier la pression accrue sur le réseau de la santé.
L’état de santé mentale de la population jamésienne tend à se dégrader. Cette tendance est davantage observée chez les jeunes du secondaire. En effet, malgré une proportion semblable à celle de l’ensemble du Québec, 42 % des jeunes présentent un niveau de détresse psychologique élevé. Cette proportion était de 30 % il y a 6 ans. La prévalence d’un diagnostic de dépression chez les élèves du secondaire est plus élevée par rapport au Québec (10 % c. 7 %) en plus d’une augmentation significative en 6 ans. Le même constat est observé pour un diagnostic d’un trouble d’anxiété.
Les habitudes de vie des Jamésiens, telles que la pratique d’activités physiques, l’adoption d’une saine alimentation ainsi que la consommation d’alcool et de drogues ne sont pas toujours optimales.
Bien que les proportions soient plutôt favorables relativement à la pratique d’activité physique de loisirs et de transport chez les jeunes du secondaire, il n’en demeure pas moins que l’inactivité physique a considérablement augmentée, si l’on compare il y a 6 ans.
La proportion de l’usage de la cigarette conventionnelle n’a jamais été aussi faible dans la région et continue de diminuer. Cependant, son usage demeure élevé comparativement à l’ensemble du Québec.
L’usage de la cigarette électronique continue à prendre de l’ampleur dans la région. Cette tendance est davantage observée chez les jeunes du secondaire et les anciens fumeurs.
L'obésité connaît également une augmentation inquiétante. Plus du quart des Jamésiens âgés de 18 ans et plus sont considérés en situation d’obésité, une tendance à la hausse depuis 2008. Quant à la situation des élèves du secondaire, elle est tout aussi préoccupante avec plus d'un jeune sur dix en situation d’obésité.
La consommation excessive d’alcool atteint des niveaux jamais égalés, et ce, pour tous les groupes d’âge tant chez les adultes que les jeunes du secondaire, et tant chez les hommes que les femmes. De plus, les personnes de moins de 18 ans, ont plus facilement qu’ailleurs au Québec accès à l’alcool. Finalement, l’âge d’initiation à la consommation d’alcool est également préoccupant : plus de la moitié des jeunes déclarent avoir consommé de l’alcool avant l’âge de 14 ans.
La consommation de drogues dans la région est demeurée stable et est comparable à celle de l’ensemble du Québec. Toutefois, chez les jeunes du secondaire, la consommation de drogues est significativement plus élevée qu’au Québec et un plus grand nombre d’élèves rapportent avoir consommé de la drogue avant l’âge de 14 ans.
Bien que les habitudes alimentaires se soient améliorées dans la région au cours des dernières années, elles se traduisent encore par une faible consommation de fruits et de légumes et une consommation élevée de boissons sucrées.
Environnement social et développement des tout-petits
Le sentiment d’appartenance à la communauté locale est et, a toujours été nettement, plus élevé dans la région qu’ailleurs au Québec. La majorité de la population de la région présente un fort attachement social envers les individus et un niveau élevé de participation aux activités communautaires.
De plus, les données régionales révèlent une proportion plus faible de personnes rapportant être insatisfaites de leur vie sociale et se sentir isolées, par rapport à l’ensemble du Québec. Ces résultats sont constatés tant chez les hommes et les femmes que chez les jeunes et les adultes. La disponibilité d’un réseau social, le sentiment d’appartenance élevé à la communauté et la satisfaction de sa vie sociale constituent des facteurs favorables à l’épanouissement de la collectivité.
Dans la région, les données sur la parentalité révèlent une expérience parentale généralement favorable. La proportion du stress parental et des parents jugeant que la gestion des enfants est difficile est significativement plus faible dans la région comparativement à l’ensemble du Québec. Ainsi, une proportion élevée de parents bénéficie d’un entourage de soutien (famille, amis, etc.). Cette disponibilité d’un réseau social est nécessaire et essentielle dans le contexte où plusieurs parents travaillent plus de 40 heures par semaine avec un horaire atypique.
Toutefois, malgré ces facteurs positifs, certaines données sont préoccupantes. On fait ici référence à la vulnérabilité des enfants de maternelle 5 ans. En 2022, près du tiers des jeunes était considéré comme vulnérable dans au moins un domaine de développement. Ce même constat a été observé en 2017. Plus spécifiquement, en 2022, des proportions élevées de difficultés ont été observées dans deux domaines dont : la « maturité affective » et les « habiletés de communication et les connaissances générales ».
Accès aux services de santé et aux services sociaux
De 2015 à 2020, près de 88 % de la population de 12 ans et plus rapportaient consulter régulièrement un professionnel de la santé. Ce pourcentage élevé constitue un facteur favorable à la santé populationnelle de la région.
Les données sont différentes en ce qui concerne les consultations auprès d’un dentiste. Près de 45 % de la population de la région a consulté un professionnel en soins dentaires au cours de la dernière année, une proportion qui chute à près de 24 % chez les 65 ans et plus. Le manque de services et l’absence de professionnels en soins dentaires dans certaines municipalités pourraient expliquer cette réalité ce qui contraste avec les habitudes des jeunes du secondaire : une proportion significativement plus élevée (81 % contre 74 %) se brosse les dents au moins deux fois par jour, témoignant d’une sensibilisation accrue à l’hygiène buccodentaire.
La couverture vaccinale élevée dans la région démontre une performance constante et supérieure à l’ensemble du Québec. Les activités vaccinales sont essentielles à la protection des enfants contre des maladies graves et parfois, même mortelles.
Les taux ajustés d’hospitalisation sont significativement plus élevés dans la région que dans l’ensemble du Québec, depuis 2008. Ce résultat est observé chez les hommes et les femmes et également, chez les jeunes, les adultes et les aînés. La stabilité de ces taux pourrait être le reflet de pratiques hospitalières propres à la région (aucune civière d’observation à l’urgence de Matagami, aucunes maisons de soins palliatifs dans la région, etc.).
En ce qui a trait aux programmes de dépistage du cancer colorectal et du cancer du sein, la région affiche une performance relativement satisfaisante. La cible de 40 % a presque été atteinte pour le dépistage du cancer colorectal, en 2022 et 2023. Quant à la proportion de femmes qui a eu recours au programme de dépistage du cancer du sein, elle est significativement plus élevée dans la région qu’au Québec depuis longtemps. Cette réussite découle en grande partie des efforts de déploiement des unités mobiles dans les communautés éloignées.
Plusieurs défis sont à entrevoir pour la poursuite de l’amélioration de l’état de santé et du bien-être de la population de la région. La combinaison de plusieurs indicateurs défavorables, comme la décroissance démographique, le vieillissement accentué de la population, les conditions socioéconomiques variables, l’augmentation constante des maladies chroniques et l’adoption de moins bonnes habitudes de vie, souligne l’importance de poursuivre et voire même d’intensifier les actions susceptibles d’avoir un impact sur la santé globale.
Le maintien des efforts en promotion et en prévention des saines habitudes de vie demeure essentiel, notamment pour mieux informer et accompagner la population. De plus, il est important de miser sur les forces spécifiques et les facteurs de protection propres à la région qui serviront de leviers à la mobilisation et à orienter nos actions.
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